Ils se plantent le nez au ciel — PNJ — Mission 2

Le sommeil, chez toi, c’était toujours quelque chose de complexe. Il y avait énormément de paramètres qui entraient en jeu, du coup, la plupart du temps, ça clochait pendant une à plusieurs heures avant que tu ne parviennes enfin à dormir paisiblement. D’ailleurs, c’était ton côté humain qui te permettais, et même te forçais en vérité, à dormir. Le côté vampire lui se contentait de hurler sa soif de sang, une fois de temps en temps et franchement, tu avais vraiment beaucoup de mal à accepter, et même encore moins à apprécier ta condition. Même après plus de cent ans à vivre avec.

C’était ta faim, ta faim humaine qui t’empêchais de dormir cette fois. Tu avais pris ta dose de sang aujourd’hui, et ça t’avais fait passer toute envie d’avaler toute autre chose. Sauf que ça ne fonctionnait pas comme ça et évidemment, après trente-six heures exactement sans rien avaler de normal, ton corps réclamait sa dose de bouffe, ton estomac criait famine et tu avais l’impression de le sentir se tordre, à t’en faire mal, dans ton ventre.

La le réfectoire avait donc paru être la meilleure des options. C’est là que tu venais tout le temps quand ce genre de chose arrivait, tu avais les clés, tu savais que les frigos de la cuisine étaient toujours plein de nourriture et tu avais donc rapidement entrepris de te faire un sandwich relativement copieux que tu avais avaler à la vitesse de la lumière avant de ressortir et … Et quelle ne fut pas ta surprise en constatant que les lumières de la grande salle étaient toutes allumées, et qu’une jeune femme était là, présente, au beau milieu en train visiblement de chercher quelque chose. « Qu’est-ce que vous fichez ici ? » Non franchement, y’avait pas à dire, elle avait du culot. Toi, au moins, tu venais ici discrètement. Tu n’avais pas besoin de lumière, tu voyais dans le noir en plus mais quand même … allumer toutes les lumières, à presque minuit, le couvre-feu largement dépassé avec Liam qui rôdait dans les parages c’était … risqué.

Un soupire lourd de sens quitte tes lèvres. Tu n’as jamais été du genre méchant, ou sévère. On peut te reprocher d’être peu avenant, généralement, mais c’est tout. Et puis, surtout, tu n’es pas du genre à juger. En fait, tu te prends même à compatir lorsqu’elle se laisse glisser contre ce mur, l’air légèrement désespérée. Tu fais quelques pas, tu t’approches, mais tu conserves une certaine distance, une distance de sécurité diront certains. « Visiblement, ça ne donne rien … » En vérité, tu ne savais pas trop quoi faire, maintenant. C’est toi qui avais ouvert le réfectoire, c’est donc toi qui avais permis qu’elle entre ici si facilement pour chercher son … tiens, d’ailleurs, elle cherchait quoi exactement ? Argh, peu importe. Là n’était pas le problème. Non, le problème résidait plutôt dans le fait qu’elle avait l’air déterminée à retrouver son truc, et que par conséquent, maintenant que tu étais rassasié, un peu, tu ne pouvais pas juste rentrer jusqu’à tes appartements pour te reposer, vu qu’elle était là, et qu’il fallait que tu fermes. T’allais quand même pas la mettre dehors de force. Déjà, parce que ça ne te ressemblait pas, et puis ensuite parce que ce serait probablement mal vu de balancer l’une de tes collègues dehors juste pour avoir la paix. « C’est quoi exactement, ce que vous cherchez ? » Et oui, Sawyer, la solution était toute trouvée. Un peu chiante, mais évidente : il fallait que tu lui files un coup de main. Plus vite elle aurait retrouvé son machin, plus vite elle sortirait d’ici. « Je peux peut-être vous donner un coup de main… » Ou un coup de pied. Non mais j’vous jure, on a pas idée de faire un cirque pareil pour un … un quoi, par tous les saints ?

Regarde là. Elle a l’air totalement au bout du rouleau. Tu supposes qu’elle doit particulièrement tenir à l’objet qu’elle a égaré. Au fond, ce n’est pas tellement ton problème. En vérité, tu pourrais tout aussi bien passer outre cette histoire de clés et de porte pour la laisser se débrouiller avec son problème. Tu pourrais retourner à ta vie, à tes occupations et à tes affaires. Mais comme toujours, pour une raison tout à fait obscure, tu ne le fais pas. Non, tu restes là, planté devant elle, et tu l’écoutes se plaindre. Il faut toujours que tu agisses comme ça, Sawyer. Au fond de toi, tu t’en fiches de la vie et de l’existence des autres, tu n’as pas réellement envie d’écouter les problèmes du genre humain ou peu importe ce qu’elle est, d’ailleurs. Non. Tu n’en as jamais envie, et pourtant, tu le fais tout le temps. Oreille attentive. Tu supportes. Tu n’es pas doué pour conseiller, mais au moins, tu écoutes. C’est déjà ça.

« En argent avec un pentacle … » Ouais. T’es pas con, hein. Ni né de la dernière pluie. Tu sais ce qu’un tel objet est susceptible d’être. Pas étonnant qu’elle le cherche avec autant d’application. Du moins, ça te semblerait logique… « Les démons vous effraient ? » Un sourire. Un soupire. Chacun son truc, hein. Toi, tu partais du principe qu’au sein de cette école, il y avait probablement bien plus dangereux qu’un démon cherchant à posséder un corps. Vraiment, tu en avais vu des créatures impressionnantes depuis que tu bossais ici. « M’enfin, peu importe. Commencez par essayer de vous calmer. Vous ne pourrez pas réfléchir efficacement en vous agitant comme vous le faites. »

Tu t’avances un peu plus, et tu viens prendre appui sur une des tables, les bras croisés, tout en la fixant. « Essayez de vous rappeler ce que vous avez fait de votre journée. Une chose à la fois, sans vous précipiter. »